Les fondamentaux

Pour bien traduire, il faut bien comprendre et bien parler. Bien comprendre implique :
- D'être à l'aise dans la langue d'origine. Cela signifie plus que d'être capable de lire une documentation technique dans cette langue. Il faut en saisir les nuances.
- D'être à l'aise dans le logiciel que vous voulez traduire, ou dont vous voulez traduire la documentation. Ce qui implique que vous l'utilisez personnellement, et que vous connaissez aussi toutes les étapes de son installation et de son paramétrage. Vous avez saisi sa philosophie générale, notamment en lisant la documentation d'origine. Idéalement, vous connaissez d'autres logiciels du même type, et la culture qui se rattache à son utilisation (musique, programmation, réseau, ...).
Ceci étant posé, passons en revue ce qu'il convient d'éviter, et ce qui est souhaitable.
Ce qu'il faut fuir
L'emploi des abréviations est à proscrire. Si certaines seront comprises par tous les lecteurs (c.-à-d. pour c'est-à-dire, ou par ex. pour par exemple), d'autres seront propres à une culture, notamment la culture informatique. Un utilisateur novice – et c'est souvent lui qui aura besoin d'un logiciel traduit – ne saura pas forcément que cnx signifie connexion.
Il vaut donc mieux rendre le texte traduit plus long que l'original, plutôt que d'être peu clair. Ce sera souvent le cas de l'anglais vers le français.
La seule exception à cette règle, c'est lorsque le logiciel ne propose pas assez de place pour le texte traduit, qui se trouvera tronqué ou modifiera sensiblement la mise en page (c'est d'ailleurs le signe qu'il a été mal internationalisé). Vous choisirez alors de reformuler de manière plus synthétique le texte (il y a toujours un moyen plus court d'exprimer une idée), ou au pire adopterez le style télégraphique (suppression des articles, pronoms, ponctuation).
Attention au faux amis, notamment en anglais. Il est tentant de traduire to post dans un forum par poster, alors qu'il s'agit bien de publier. On rédige des messages qu'on publie, mais on peut poster un e-mail, par analogie avec les lettres timbrées. De même on n'édite pas un texte, on le modifie. Editer, c'est faire paraître au public.
Ce qu'il faut faire
Respect
En informatique la pratique est un élément essentiel de la compréhension. A l'extrême, l'utilisateur chevronné d'un logiciel pourra s'en servir dans n'importe quelle langue, même s'il ne la parle pas. Votre objectif est d'éviter que la traduction ne l'égare.
Vous devez donc respecter l'aspect du texte voulu par l'auteur :
- emplacement dans la fenêtre,
- police de caractère,
- mise en forme (gras, italique, couleur, ...),
- alignement des blocs de texte entre eux.
Mais respectez aussi des notions plus subtiles, que l'œil perçoit sans que le lecteur en ait forcément conscience, comme:
- La taille générale d'un bloc de texte : ne traduisez pas cinq lignes en trois mots, ou inversement. Si la différence est aussi extrême, vous avez sans doute mal compris (il y a des exceptions : certains auteurs peuvent être navrants de verbiage ou de concision).
- La présence d'un mot-clé que l'on s'attend à trouver. Par exemple si l'original parle de serveur SMTP, on évitera de traduire par serveur de courrier, ce qui ferait disparaître le mot-clé attendu, propre au jargon informatique.
Vous respecterez aussi les usages. Lorsque la majorité des logiciels a consacré un terme français, ne vous écartez pas de la norme. Même si vous trouvez le nom butineur plus joli que navigateur, ou mulot plus rigolo que souris, vous ne l'utiliserez pas : l'usage a tranché pour vous.
Mais vous pouvez être créatif. Si aucun terme n'existe en français, ou si plusieurs sont utilisés sans que l'usage en ait consacré un, trouvez celui qui vous semble le plus clair. Ne soyez pas pédant ; vous cherchez la clarté, pas le prix Goncourt.
Respectez les conventions typographiques. Les signes doubles (;:!?) comportent un espace avant et un espace après ; les signes simples ((),.) un espace après seulement. Les phrases commencent par une majuscule. Il n'y a pas d'autres majuscules dans la phrase, hormis les nom propres (les Américains ont Tendance à en Mettre à tous les Mots). Voilà pour les erreurs les plus souvent constatées, mais les règles typographiques sont plus nombreuses.
Ceci dit, les typographes ne sont pas des modèles de vertu non plus : saviez-vous qu'à cause d'eux, les majuscules ne sont plus accentuées ? On économisait ainsi du plomb. Or il n'y a aucune bonne raison pour que la situation perdure avec l'informatisation. A l'occasion je lancerai une pétition pour le retour des majuscules accentuées sur nos claviers.
Respectez orthographe et grammaire. Utilisez des correcteurs, comme celui intégré à Firefox si vous modifiez en ligne. Même les meilleurs peuvent se tromper. Les fotes gênent la lecture de ceux qui n'en font pas, quand elles ne rendent pas le texte incompréhensible.
Complétude et compréhension
Traduisez tout. La partie que vous avez du mal à traduire, qui comporte de si nombreux termes techniques, est probablement celle dont ont justement le plus besoin les lecteurs français. Ne les laissez pas au milieu du gué. Faites-vous aider au besoin (voir le chapitre sur le travail en groupe).
Ne traduisez pas mot à mot. Comprenez l'idée générale du texte, et reformulez-le en bon français. Daylight saving time n'est pas économie de lumière du jour, mais heure d'été. Autre exemple (tiré de PunBB) : pour traduire de l'anglais If you want to add a ban not tied to a specific username just leave the username blank, vous avez le choix entre :
- Si vous voulez ajouter un bannissement non rattaché à un utilisateur spécifique laissez le nom d'utilisateur vide
- Laissez le nom d'utilisateur vide pour ajouter un bannissement sans lien avec un utilisateur
(Ceux qui ont répondu 1 ont faux. Sortez.)
Cohérence
Soyez cohérent. Utilisez toujours le même terme pour traduire la même notion. Ne libellez pas le bouton submit d'une page HTML envoyer, puis dans une autre soumettre, puis encore entrée. A chaque fois, utilisez Envoyer (soumettre c'est réduire à l'obéissance, et entrée, c'est l'endroit par où l'on entre).
Constituez-vous une référence écrite des termes que vous rencontrez dans la traduction, pour vous assurer de cette cohérence. C'est un aide-mémoire précieux si vous devez interrompre votre travail pendant quelques temps, ou si le corpus est très riche. Dans le cas d'une traduction en groupe, c'est définitivement indispensable ; j'y reviendrai dans le chapitre sur le travail en groupe.
De la même manière, choisissez une fois pour toutes la conjugaison des actions. Ne traduisez pas une liste de case à cocher par :
Activer la fonction 1
Activation de la fonction 2
J'active la fonction 3
Fonction 4 activée

- les traduire directement,
- en proposer une traduction en légende,
- les refaire en français,
- refaire des captures d'écran du logiciel une fois traduit.
Cette décision n'est pas anodine. Il est généralement assez long de modifier de tels éléments, et la valeur ajoutée doit être soigneusement pesée.
Mais il faudra aussi se demander par exemple :
- Quelle sera la conjugaison des titres de chapitre ?
- Quand l'auteur dit "je", faut-il traduire "l'auteur dit que" ?
- Si l'auteur fait référence à des sites dans sa langue, faut-il chercher l'équivalent français ?
- ...
Ces questions devront être tranchées, sinon au début du projet, tout au moins dès la première occurence rencontrée.
Chapitre suivant : S'organiser.