Xavier Dusart

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Chapitre 2 : s'organiser

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Le groupe de traduction, dans le monde du logiciel libre, réalise l'idéal anarchiste de communauté volontaire. Vous n'allez pas simplement traduire un logiciel ou sa documentation, vous allez changer le monde. Sortez votre drapeau noir, le grand soir est pour tout de suite.

Par où commencer

Dans tous les cas, ne vous lancez pas seul. Même si avez l'intention de faire toute la traduction vous-même, commencez par :

  • Vérifier que le travail n'est pas déjà en cours, ni prévu, par un ou des autres traducteurs. Recherchez sur Internet, posez la question à l'auteur, et sur les forums des utilisateurs du logiciel.
  • Demandez son autorisation à l'auteur. C'est une manière polie de l'informer de vos intentions, et de recevoir de sa part d'éventuelles informations sur la méthode, les outils, les expériences de traducteurs dans d'autres langues, et la meilleure manière de partager votre travail avec la communauté des utilisateurs (via le site web du logiciel, notamment).
    Il se peut aussi que l'auteur vous dissuade de vous lancer, en raison de l'arrivée imminente d'une nouvelle version totalement refondue, par exemple.

equipeSi le travail est entamé, proposez votre aide aux traducteurs. Si vous êtes accepté, l'humilité sera la règle. Vous vous plierez à leur méthode, leurs outils, leurs références. Vous ne prendrez aucune initiative isolée, au risque de voir votre travail refusé.

Si vous démarrez la traduction, avisez-en l'auteur et les utilisateurs (via le site du logiciel, ou son forum, son wiki, sa newsletter, ...). Précisez d'emblée si vous souhaitez monter une équipe, ou préférez travailler seul. Un conseil : ne vous engagez sur aucun délai, vous créeriez une attente et une pression qui pourraient vous décourager.

Si vous espérez être rejoint par d'autres traducteurs, attendez quelques jours après votre annonce avant d'entamer le travail, car vous ne vous organiserez pas de la même façon pour travailler seul ou à plusieurs.

Travailler en groupe

Vous avez suscité des bonnes volontés : tant mieux. Mais ne commencez pas encore le travail de traduction ! Votre première tâche en tant qu'initiateur du projet sera celle de coordinateur : vous organiserez l'équipe.

Faute d'organisation, l'équipe sombre dans le chaos.Le travail en équipe, même s'il est bénévole, ne peut se faire efficacement sans que chacun sache ce qu'on attend de lui. Mais à la différence du monde de l'entreprise, chacun est libre de faire ou pas le travail.

De plus chacun peut proposer des méthodes, des outils ou des références. La décision à ce sujet ne peut être que commune, sous peine de faire fuir les bonnes volontés.

Je considérerai ici que l'équipe est répartie à travers le globe, et qu'elle communique exclusivement via Internet. En effet, la collaboration en ligne étant principalement asynchrone, elle est moins contraignante que le téléphone ou les rencontres physiques. Elle permet à chacun de travailler à son rythme.

Chacun est libre de se désengager du projet à tout moment. La seule contrainte est d'avertir les autres membres du groupe de traduction lorsqu'il prévoit du retard, ou ne peut plus assurer sa part de travail. Vous ne porterez aucun jugement sur l'activité de chacun, à partir du moment où le groupe en est averti.

Les rôles à répartir dans une équipe de traduction sont décrits ci-dessous. Ils ne s'excluent pas mutuellement ; chacun peut assumer, en fonction de ses disponilibilités et de ses envies, un ou plusieurs rôles. Les rôles non pourvus par des volontaires seront tenus par l'initiateur du projet.

Les rôles sont affectés par appel à candidature. Si plusieurs membres du groupe souhaitent assurer le même rôle, ils fonctionneront en comité. Les décisions au sein de ce comité seront collégiales. Il apparaîtra souvent, au fil du temps, qu'un membre plus impliqué assure la direction du comité. Ce processus se fera par décantation naturelle, il n'est pas nécessaire de le formaliser. Chaque comité exposera ses discussions au vu et au su de tous, sur l'outil de communication, et y fera part de la décision finale.

Notez à ce sujet que l'accès à l'outil de communication est libre en lecture, mais doit être restreint au groupe en écriture.

De manière générale, il n'y aura jamais de discussion privée touchant au travail mené en commun. Tous les échanges se feront dans l'outil de communication. Chacun pourra participer à la réflexion commune, quel que soit le rôle qu'il s'est donné au sein du groupe. Chaque participant à une discussion devient de facto membre du comité concerné par la décision.

La décision finale sera prise par le comité, à la majorité dans le pire des cas, mais vous chercherez surtout l'unanimité, après avoir convaincu tout le monde. Vous n'hésiterez pas à prendre le temps nécessaire pour que chacun ait pu prendre connaissance du sujet, y réfléchir et donner son avis. Il faut tenir compte du fait que tout le monde n'est pas disponible en permanence. Il n'est donc pas anormal qu'une discussion dure plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

poussinSi l'avancement du groupe de travail en devient compromis, c'est au coordinateur de proposer la décision finale. Si elle est refusée, le groupe est en situation de conflit.

Les travailleurs (de tous les pays, unissez-vous) étant bénévoles, et donc de bonne volonté, il est rare que des conflits aient lieu. Ils se soldent généralement par le retrait volontaire du groupe de travail de la part du participant frustré. Il est important de se séparer en bons termes ; il serait dommage qu'un projet concurrent soit lancé par un membre insatisfait, menaçant la viabilité des deux projets. Le travail restant sera réparti entre les membres encore actifs.

Dans la mesure du possible, vous ne refuserez pas les propositions de participation qui vous arrivent en cours de projet. Les derniers arrivés se verront simplement proposer de renforcer les rôles les moins bien pourvus. Le nouvel arrivant devra dans tous les cas être accepté par le comité qu'il vient renforcer, ce qui fera l'objet d'une discussion. Le travail sera ensuite redistribué.

Notez enfin qu'il est de bon ton de faire figurer dans la liste des membres (par exemple sur la page de garde d'une documentation) tous ceux qui ont participé, même temporairement, au projet.

Le coordinateur

Ce rôle appartient par défaut à l'initiateur du projet. Il peut l'abandonner s'il le souhaite, au profit d'un volontaire. Il peut aussi le partager en comité.

Il assure la tenue de la référence de traduction, il répartit le travail entre les traducteurs, il gère la communication au sein de l'équipe et vers l'extérieur.

Amorçer la référence de traduction

La référence de traduction est un document unique, tenu par le coordinateur, qui doit constituer la bible de l'équipe de traduction. Elle comprend :

  • Le dictionnaire des termes les plus fréquents dans la langue d'origine, et leur équivalent en français.
  • Les règles de traduction. Voir à ce sujet le chapitre 1, "Cohérence".
  • La liste des outils et le moyen d'y accéder :
    • outil de communication : wiki, blog, forum, mailing-list, ...
    • outil de stockage : FTP, SVN, P2P, Wiki, ...
    • éventuellement outil de traduction : outil dédié à la localisation du logiciel par l'auteur ou un contributeur,
    • et outil de test : installation "bac à sable" du logiciel traduit.

Le coordinateur présente la référence au groupe.La participation effective du coordinateur à la traduction se fera au moins sous la forme d'un premier jet de la référence. Il constituera une ébauche de dictionnaire, par une lecture rapide des textes à traduire, à la recherche de termes récurrents nécessitant une cohérence globale. Le dictionnaire sera ensuite augmenté des nouveaux termes rencontrés par les traducteurs.

Je traiterai des outils dans un prochain chapitre, et dans un autre encore vous trouverez un exemple de référence.

Répartir le travail en lots

Le coordinateur évalue le volume de texte à traduire (en se faisant aider par l'équipe technique si nécessaire) en comptant le nombre de mots, par exemple. C'est en général un bon indicateur du travail à réaliser.

Si le corpus est divisé en différents fichiers, le coordinateur constituera des lots de fichiers équilibrés du point de vue du volume. Il tâchera de rassembler les fichiers traitant de sujets voisins (l'administration du logiciel, la création de contenu, l'écriture d'extensions, par exemple).

Dans le cas d'un fichier unique, ou de texte intégré au logiciel, il extraiera le texte à traduire dans différents fichiers, se faisant encore si nécessaire aider par l'équipe technique.

Il y aura au moins autant de lots que de traducteurs. Il est important que les lots soient légers, et puissent être traduits en quelques jours ou au pire semaines par quelqu'un qui travaille par ailleurs.

Les lots seront listés sur l'outil de communication du groupe, et disponibles dans l'outil de stockage. Chaque traducteur en prendra un à la fois en charge, en piochant parmi les lots restants. Il inscrira dans l'outil de communication son nom en regard du lot choisi.

Si le nombre de traducteurs vient à changer, le coordinateur en informera le groupe, et redécoupera le travail restant en nouveaux lots, qui seront proposés, comme les premiers, à l'ensemble des traducteurs.

Communiquer

Le coordinateur suit toutes les discussions ayant lieu au sein du groupe, et en assure :

  • Le cadrage. Cadrer revient à s'assurer que la discussion ne porte que sur un sujet à la fois, bien identifié par tous.
  • La relance. Le coordinateur récapitule régulièrement les points de vue des participants.
  • La formalisation de la décision finale. La décision est reportée dans la référence de traduction.

Il propose également une décision lorsque la situation lui semble enlisée.

Il résume l'avancement du travail du groupe dans l'outil de communication, par exemple sous forme de tableau :

 

Lot Fichiers Traducteur Avancement Relecteur Avancement
1 about.html
license.html
introduction.html
M. Proust 33% V. Hugo -
2 installation.html
G. Flaubert 100% Suétone 50%
3 configuration.html

Enfin il rapporte l'avancement des travaux sur le site d'origine du logiciel, à l'intention de la communauté des utilisateurs. Il assure le lien entre l'auteur, la communauté et le groupe de traduction. C'est par lui notamment que passent les nouvelles candidatures pour faire partie du groupe.

Le traducteur

C'est évidemment le rôle principal, par qui le travail se fait. Le traducteur doit assurer les fondamentaux : bien comprendre et bien parler (voir chapitre 1).

Le traducteur ne s'autorisera pas de fantaisie lorsqu'il travaillera en groupe. Il utilisera les outils communs, respectera les règles définies dans la référence, et interrogera le groupe lorsqu'il doute, identifie un nouveau besoin, etc.

Il communiquera régulièrement sur l'avancement de son travail à travers l'outil de communication du groupe. Une fois par semaine, par exemple, il donnera un pourcentage de volume traduit.

Si l'outil de traduction n'est pas en ligne, le traducteur publiera son travail tout aussi régulièrement sur l'outil de stockage, afin que les relecteurs puisse commencer à travailler sur les textes en cours, s'ils le souhaitent. Comme tous les autres membres, sa seule contrainte est d'informer le groupe en cas d'incapacité à poursuivre son travail, ou de retard.

Dans le cas d'une traduction de logiciel, le traducteur devra impérativement disposer du moyen de tester le rendu de son travail dans le logiciel. Il l'aura installé sur son poste de travail, ou disposera d'un espace "bac à sable" sur Internet, mis à sa disposition par l'équipe technique.

Le correcteur

Comme son nom l'indique, il relit et corrige les travaux des traducteurs. Il n'est pas indispensable, mais seulement utile, de maîtriser la langue d'origine pour devenir correcteur. Ce rôle consiste à vérifier le respect :

  • des règles typographiques,
  • de la grammaire et de l'orthographe,
  • de la référence de traduction,
  • de la cohérence de l'ensemble des textes traduits (ce qui signifie que le correcteur connaît l'ensemble des textes, et pas seulement celui qu'il corrige).

Ce traducteur s'apprête à recevoir une bonne correction.Il doit aussi s'assurer que le texte produit est compréhensible aisément, et sans ambiguïté. En corollaire, la connaissance du logiciel est indispensable pour vérifier qu'il n'a pas été commis de contresens ou autres erreurs relatives au fonctionnement du logiciel. Le correcteur corrigera directement dans le texte traduit les erreurs les plus évidentes.

Il est aussi le seul à être autorisé à ne pas rendre public ses échanges avec les traducteurs. Par souci d'efficacité d'abord. S'il a un doute sur la correction à apporter, il s'en entretiendra d'abord avec le traducteur, et si le doute persiste posera la question au groupe sur l'outil de communication.

Mais le correcteur est aussi un diplomate. Il fera pour chaque relecture un résumé de ses corrections directes, dont il fera part en privé au traducteur. Le traducteur n'a pas forséman anvit que tou le monde sache qu'il fé dé fotes à tout lé mots, ou qu'il n'a pas compris ce qu'il a traduit.

Le correcteur publiera comme les traducteurs un état d'avancement de son travail, par exemple une fois par semaine.

Il disposera enfin, comme le traducteur, du moyen de vérifier le rendu de ses corrections dans un outil de test, particulièrement dans le cas de la traduction d'un logiciel.

L'équipe technique

L'équipier technique installe, configure, donne accès et maintient les outils communs (voir le chapitre sur les outils). Parmi eux peut figurer un espace de test des traductions, dans lequel les traducteurs et relecteurs pourront télécharger leur travail pour en vérifier le rendu et l'absence d'erreurs logicielles induites.

Il découpe si nécessaire les textes à traduire en fichiers, et réassemble les fichiers traduits.

Il peut aussi réaliser l'intégration du texte traduit dans le logiciel d'origine. Par exemple, si l'internationalisation n'est pas faite correctement, il pourra être nécessaire de modifier le code source. L'équipier technique connaît donc dans ce cas le language de programmation du logiciel ou de la documentation : PHP, C++, Java, LaTEX, HTML, ...

Il met enfin au point à la demande les outils automatiques de :

  • comptage, recherche ou remplacement de mots,
  • de mise en forme des données (nettoyeurs, indenteurs, vérificateurs syntaxiques, ...),
  • de sauvegarde des données,
  • de transformation du texte produit dans les différents formats les plus répandus pour la consultation (HTML, ODF, XML, PDF, ...).

Le candidat

Le candidat au groupe de traduction informera l'initiateur du projet de son offre de service, sur le site où le projet a été lancé. Il pourra consulter préalablement l'outil de communication du groupe, qui devrait être indiqué au même endroit.

S'il arrive dans un groupe déjà constitué, il acceptera le rôle qui lui sera proposé dans la mesure où il correspond à ses capacités.

Avant de travailler, il apprendra par coeur la référence de traduction.

Et ça marche

Sachez que les principes exposés ici ont été mis à l'épreuve du feu, avec succès, entre autres sur la traduction de la documentation de Nagios en français, qui a impliqué 8 personnes.

Travailler seul

C'est pareil, mais tout seul. Tous les rôles seront tenus par l'initiateur du projet. Il pourra se dispenser de l'outil de communication, et prendra les décisions à l'unanimité de lui-même.

Tous les autres conseils d'organisation ci-dessus restent valables. Dans le cas d'un projet très léger et très court (quelques semaines au plus), je consens à lui faire grâce de rédiger la référence de traduction.

Chapitre suivant : Outillage.


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Last Updated on Monday, 06 April 2009 09:08